Open What ? La confidentialité à l’ère du digital.
Open What?
La confidentialité à l'ère du digital
Confidentiel et innovation
L’innovation est une des clés de la stratégie des entreprises. Elle est souvent partagée par de nombreux services spécialistes d’un domaine métier (DSI, Supply Chain, Marketing, Production…).
Les dirigeants attendent alors que ces services puissent suivre l’évolution des technologies, des nouveaux processus, de leur usage, et dans certains cas, inventer ces nouveaux usages.
Marc Frechet & Aude Martin ont mené une étude sur plus de 2 288 entreprises innovantes européennes publiée dans la revue “M@n@gement”; basée sur plusieurs études européennes CIS (Community Innovation Survey, encore réalisée aujourd’hui) à la fin des années 90.
Ils ont pu observer que la majorité des innovations de ces entreprises est généralement placée sous le sceau de la confidentialité soit via un secret conservé sur l’innovation, soit via la dépose d’un brevet.
Cette confidentialité peut toucher les données sources, les analyses menées à partir de ces premières, les outils développés (code source) et les processus de déploiement.
Certes, cette stratégie rassure car on s’assure que tous les bénéfices de l’innovation seront internalisés.
Cet avantage est pour moi une illusion qui ne rassure que ceux qui y croient. Je crois, pour ma part, à une stratégie open source / open data maîtrisée.
Le confidentiel n'existe pas
Un secret n’existe plus dès qu’une deuxième personne le connaît.
Cet adage, maintes fois vérifié dans mes expériences professionnelles, me montre qu’une information confidentielle ne le reste jamais vraiment longtemps.
Chaque projet, analyse, réflexion sur une innovation nécessite un travail d’équipe qui s’agrandit au fur et à mesure que le projet avance.
Une innovation devra passer par, à minima, plusieurs de ces acteurs:
- un partenaire externe, dans le cas d’un besoin de ressources ou compétences complémentaires
- un partage autour de la machine à café, avec les collègues, sur les dossiers en cours
- une présentation au top management si le dossier est stratégique
- une validation d’investissement avec les partenaires financiers
- une présentation ressources humaines & syndicats en cas d’impact sur les conditions de travail
- une présentation aux équipes opérationnelles
- une demande d’autorisation aux autorités si cela touche à la réglementation (exemple : caméras, drones etc…)
La confidentialité compatible avec le digital?
Comme l’explique Emmanuel Kessous en 2012 dans la revue “Réseaux” dans une étude qualitative sur la gestion de la confidentialité sur les messageries électroniques en entreprise, la notion de “confidentiel” reste relative en fonction des interlocuteurs qui apposent leur interprétation en fonction de leur rôle dans l’entreprise.
Le responsable d’un service peut, par exemple, intégrer un expert pour avoir son analyse, et ce en dépit de toutes les communications, plaquettes et autres sensibilisations effectuées sur le sujet.
C’est au final les relations interpersonnelles et la culture de l’entreprise qui impactent la diffusion ou non d’un secret au sein de l’organisation.
De plus, étant donné que le monde professionnel est de plus en plus mobile (1 personne sur 5 en France change de métier ou d’entreprise tous les 5 ans, 2 personnes sur 5 dans le monde des cadres industriels, source DARES), il est probable que dans un projet où une trentaine de personnes sont impliquées, directement ou indirectement, au moins une d’entre elles ait changé d’entreprise dans les 6 mois.
Dès lors, quel espoir de conserver une information, un projet ou une idée confidentielle?
Aucune, et si la malchance s’acharne, le transfuge sera technique auquel cas l’ensemble du projet pourra être reconstruit en un temps record par l’entreprise concurrente.
Pour clôturer ce sujet avec un exemple très concret, je vous invite à taper sur Google : confidentiel.
Cette recherche vous permettra de retrouver les documents PDF référencés par Google avec le terme “confidentiel” dans leur texte.
L’exercice avait révélé l’existence de documents gouvernementaux confidentiels plus ou moins sensibles (du support de présentation potache pour les collègues du ministère à la description technique d’un logiciel de l’Agence Nationale des Titres Sécurisés).
J’ai pu, pour ma part, accéder ainsi très facilement à la grille de rémunération conventionnelle du Crédit agricole en 2018.
Ainsi sais-je exactement combien est payé un cadre, un directeur etc…
Utile pour mes futurs recrutements!
La confidentialité à l’ère du digital où un clic suffit pour s’ouvrir sur le monde n’est au final qu’une sécurité mineure qui peut durer entre 3 et 6 mois avant que les éléments du projet ne commencent à fuiter.
Elle ne sera que très rarement source d’avantage concurrentiel sur la durée.
L’open source n’est pas un rêve d’ingénieurs
Un des exemples les plus représentatifs de la démarche open source est le système d’exploitation le plus utilisé aujourd’hui sur les serveurs dans le monde : Linux.
Si le principe a fait ses preuves en informatique, le reste des secteurs d’activité restent pessimistes quant à l’application concrète de cette démarche dans leurs domaines. Les serveurs de Google et Amazon ont choisi cette solution pour 3 raisons principales:
- la résilience: les bugs et les failles de sécurité sont rapidement identifiés et résolus par la communauté
- la performance: le système est constamment amélioré pour être optimisé
- l’agilité: le développement d’une nouvelle fonctionnalité ou d’une nouvelle distribution est d’autant plus rapide que les acteurs et les cas d’utilisations sont nombreux.
Ces 3 avantages sont applicables aux innovations de tous types (technologique, managériale) et de tous secteurs: Marketing, Supply Chain, Formation, Administration, Finance, Artisanat…
Concrètement, une nouvelle méthode de production, un nouveau cas d’usage de la réalité virtuelle sur la formation, un nouveau produit financier, peuvent être mis à disposition en open source. Il suffit de communiquer dessus en donnant les détails techniques de la mise en place de cette innovation.
Pourquoi ? Parce que cette idée a probablement déjà germé chez les concurrents de l’entreprise avec un recrutement ou une information qui leur est parvenue. C’est donc une démarche gagnante pour tout le monde:
- les concurrents gagnent quelques mois de recherche & développement
- l’entreprise qui partage son innovation la sécurise dans le temps en y intégrant les autres acteurs pour en tirer les avantages de l’open source: résilience, performance et agilité.
Combien de dossiers d’innovation ont été stoppés faute d’avoir les moyens de conserver l’outil dans le temps, ou en incapacité de passer l’outil à un stade industriel par manque de performance / agilité !
- Supply Chain & Logistics Executive
- Latest Posts
“To live without a goal is like cruising without a compass”
Passionate about human organizations, I am interested in anthropology, psychology, sociology, economics & history. During the week I get up every morning to support the transformation of the warehouses and the Supply Chain. In our studies or in our work, ethics must take its place to accompany our faculty to judge our ideas and our actions. Ethics must be the compass that guides our decisions.